De nombreuses recherches ont été menées sur le stress en milieu professionnel et ses conséquences sur la santé des travailleurs. Cette notion est aujourd’hui largement intégrée dans le cadre de la prévention des risques psycho-sociaux (RPS) au travail.
Actuellement, l’idée que, dans le cadre scolaire, les élèves puissent également être soumis à ce type de risques commence à s’imposer. Hélène Romano, psychologue et chercheuse en psychopathologie a proposé en 2016 de les définir comme « toute source de stress en milieu scolaire, susceptible de nuire à l’élève sur le plan physique, psychologique, scolaire et ayant de possibles répercussions sur sa vie familiale et sociale ».
Au collège et au lycée, les élèves sont soumis à de nombreux facteurs de stress : pression de la part des parents et des enseignants, charge de travail personnel, incertitude liée à l’orientation, conflits interpersonnels (harcèlement par exemple). Une étude de 2015 menée en France a montré que leur stress tendait à augmenter régulièrement, 17,1 % d’élèves se déclarant très stressés en sixième et jusqu’à 49,6 % en Terminale.
Or, dans le milieu professionnel, il a été montré que le stress chronique pouvait engendrer un syndrome de burn-out. Celui-ci se caractérise par l’association entre un épuisement émotionnel et physique, une attitude cynique envers son activité et un sentiment d’inadéquation (impression de ne pas être à la hauteur). Cette notion, déjà appliquée aux étudiants depuis le début des années 2000, est aujourd’hui transposée chez les élèves du secondaire, notamment par des chercheurs en psychologie de l’éducation et de la santé, et les travaux dans ce domaine se multiplient depuis les années 2010.
Comme dans le milieu professionnel, le burn-out des élèves affecte leur motivation, leur persévérance scolaire (risque de décrochage) et leur santé mentale. C’est pourquoi les chercheurs essaient d’en comprendre les facteurs de risque et d’en identifier les conséquences.
Quand on parle de burn-out, la plupart des personnes se représentent une maladie, caractérisée par un épuisement qui atteindrait un tel paroxysme que la personne touchée se trouverait un jour, brutalement, dans l’incapacité physique de se rendre sur son lieu de travail. C’est cette manière de concevoir le burn-out qui est principalement mobilisée dans les médias.
Mais, selon l’approche à laquelle nous nous référons, le burn-out est en fait un syndrome psychologique que l’on évalue sur un continuum, plutôt qu’un trouble ou une maladie, même s’il peut parfois mener à une incapacité totale de travailler. Dans ce cadre, on le définit comme une relation subjective de l’élève à son travail scolaire associant :
épuisement (fatigue émotionnelle et physique, difficulté à se détendre et à récupérer) ;
cynisme (attitudes négatives et détachées, perte de sens du travail scolaire) ;
sentiment d’inadéquation en tant qu’élève (dévalorisation de son travail et de ses compétences scolaires, sentiment d’échec).
Certains élèves peuvent avoir un niveau de burn-out élevé tout en continuant à venir en classe. Les échelles de mesure du burn-out scolaire permettent de situer les élèves sur un continuum sans qu’il y ait de score seuil défini à partir duquel on déclare un élève en burn-out de manière binaire. Par conséquent, il n’y pas non plus de consensus scientifique sur la manière d’évaluer la prévalence du burn-out scolaire.
Certains chercheurs estiment cependant qu’un « état d’esprit » caractéristique du burn-out, c’est-à-dire un score élevé dans les trois dimensions qui le constituent, serait présent chez 7 % à 21 % des élèves selon les pays européens.
Par ailleurs, de récentes analyses ont pu montrer qu’il existe aussi un groupe d’élèves qui ; tout en étant épuisés, maintiennent un engagement émotionnel important dans leur travail. Ces élèves trouvent du sens à leur travail scolaire et restent motivés mais ressentent une forte pression permanente. À la fois très engagés dans leur travail et stressés de manière chronique, ils pourraient représenter un groupe à risque également, pouvant se désengager plus tard dans leurs études supérieures ou leurs emplois.
Le burn-out scolaire en soi est un état de tension désagréable qui impacte la qualité de vie. Il peut aussi avoir des conséquences négatives sur les parcours scolaires, professionnels et sur la santé mentale. A niveau scolaire égal, les élèves qui présentent un niveau de burn-out plus élevé ont moins d’ambition scolaire et sont plus à risque d’abandonner l’école, en particulier les lycéens avec des scores élevés en cynisme et sentiment d’inadéquation.
En outre, comme le burn-out professionnel, le burn-out scolaire peut avoir des répercussions sur l’ensemble du fonctionnement psychologique des adolescents. Les adolescents en burn-out ont plus de symptômes anxieux et dépressifs et consomment davantage de substances toxiques.
On peut distinguer trois séries de causes du burn-out scolaire : les causes liées au cadre de travail, celles liées aux relations interpersonnelles et celles liées à des caractéristiques individuelles. Le burn-out étant principalement causé par la charge de travail personnel et la pression qu’elle engendre sur les élèves, il a tendance à s’aggraver au cours des études secondaires. De même, il est plus important en voie générale de lycée qu’en voie professionnelle.
Les élèves sont particulièrement sensibles à leurs relations avec les enseignants et celles-ci peuvent être un facteur de burn-out scolaire quand elles sont de mauvaise qualité. La pression des parents (les exigences liées à la réussite par exemple) ou le fait d’avoir des relations familiales compliquées peuvent aussi y contribuer.
Enfin, certains traits de personnalité pourraient exposer au risque de burn-out, comme le perfectionnisme dysfonctionnel (douter en permanence de ses actions, craindre de faire des erreurs) ou une mauvaise estime de soi. Enfin, la pression scolaire peut être particulièrement mal vécue par les élèves qui sont les moins motivés ou ceux qui ont une mauvaise image d’eux-mêmes car ils peuvent ne pas se sentir capables de relever les défis scolaires (réussir les évaluations, gérer la charge de travail) auxquels ils sont confrontés.
Aussi, la manière la plus simple d’éviter le burn-out est sans doute de choisir une voie scolaire qui corresponde à la fois aux intérêts de l’élève mais aussi à ses compétences scolaires et ses capacités de gestion de la charge de travail. Pour éviter le burn-out scolaire d’un élève n’augmente, les rencontres avec les psychologues de l’Éducation Nationale seraient utiles. Cependant, ceux-ci sont trop peu nombreux (souvent un pour 1500 élèves dans le secondaire) pour pouvoir apporter un accompagnement de qualité à tous les élèves qui en auraient besoin ou qui en expriment la demande.
Quelques programmes d’intervention ont été créés par des chercheurs en psychologie à destination de petits groupes de lycéens concernés par le burn-out scolaire. Ils ont pu montrer leur efficacité. Ces interventions visent généralement à renforcer les ressources des élèves, par exemple en travaillant sur leurs forces et leurs réussites ou sur leur motivation et leurs stratégies pour faire face au stress. Ces interventions sont toutefois difficiles à implémenter en établissement du fait de leur coût puisqu’ils nécessitent du temps et du personnel bien formé. On estime en effet que la durée d’intervention optimale est d’au moins huit séances ou plus (de 45 à 90 minutes) pour pouvoir espérer un effet significatif.
Par ailleurs, on sait que le soutien que les élèves perçoivent de la part de leurs enseignants est un des facteurs protecteurs les plus importants vis-à-vis du burn-out. Aussi, certains chercheurs soutiennent l’idée que développer l’intelligence émotionnelle (c’est-à-dire la capacité à traiter les informations émotionnelles : comprendre leurs causes et les gérer) et le bien-être des enseignants eux-mêmes pourraient être des leviers prioritaires de la prévention car cela renforcerait leur capacité à soutenir leurs élèves.
Il est donc essentiel d’aider les enseignants à nouer des relations positives avec les élèves les plus difficiles. En dehors de programmes d’intervention spécifiquement dédiés à la réduction du burn-out, on pourrait également imaginer mieux former les enseignants aux problématiques de stress afin qu’ils puissent aider leurs élèves, dans le cadre de l’accompagnement méthodologique, à réagir plus positivement aux échecs, mieux s’organiser pour gérer la charge de devoirs et de révisions. Cela pourrait passer par des programmes de formation continue, notamment sur les questions de stress scolaire et l’appréhension des élèves « difficiles » et par des conditions de travail de qualité leur permettant d’offrir un encadrement suffisant aux élèves.
Aline Vansoeterstede, doctorante en psychologie de la santé appliquée à l’éducation, Université de Paris; Emilie Boujut, maitre de conférences en psychologie de la santé, Université de Paris et Emilie Cappe, professeur des universités en psychologie clinique et psychopathologie, Université de Paris.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.